Par cet avis, la haute juridiction répond à plusieurs questions en matière de liaison du contentieux. En l’occurrence, l’affaire initiale portait sur la responsabilité quasi délictuelle d’un hôpital.

Le Conseil d’État répond à la question qui était posée de savoir si un requérant est lié par les postes de préjudice invoqués lors de sa demande indemnitaire préalable lorsqu’il saisit le juge.

Dans cette hypothèse, le Conseil d’État répond que ce n’est pas le cas :

1. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle ».
2. La décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d’un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l’égard du demandeur pour l’ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.
3. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l’administration à l’indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n’étaient pas mentionnés dans sa réclamation. ».

Par conséquent, un requérant peut toujours compléter sa demande indemnitaire préalable si d’aventure elle ne comportait pas l’ensemble des chefs de préjudice.

Cette interprétation va dans le sens de l’avis du Conseil d’État de mars 2019 pour mémoire qui permettait de lier la demande en cours de procédure.

Poursuivant, la haute juridiction rappelle que le délai de deux mois de saisine de la juridiction qui est prévu par l’article 421–1 du code de justice administrative est un délai de forclusion. La seule exception concerne les hypothèses dans lesquelles la victime demande réparation de dommages qui tout en étant causés par le même fait générateur sont nés ou se sont aggravés ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision qui a rejeté la réclamation.

Dans ce cas de figure, il est suffisant de compléter la procédure par le biais de mémoire et ce même en appel.

4. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d’une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d’autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d’une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d’une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.
5. Il n’est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.
6. Dans ce cas, qu’il s’agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l’administration d’une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus.
7. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l’administration d’une nouvelle réclamation et invoquer directement l’existence de ces dommages devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d’appel, dans la limite toutefois du montant total de l’indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l’indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.

S’il est possible de considérer que ces solutions assouplissent quelque peu la procédure pour la victime requérante, reste qu’il ne sera pas possible d’envoyer une nouvelle demande pour solliciter des préjudices distincts dans l’hypothèse de l’irrecevabilité de la première demande indemnitaire pour défaut de saisine du tribunal dans les délais, situation à laquelle peuvent parfois être malheureusement confrontés certains requérants.

La notion de fait générateur fera de fait certainement débat prochainement…